CABINET D'AVOCAT ARNAUD SOTON
AVOCATS FISCALISTES
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Le délai de prescription dans le cadre du contrôle fiscal.


 

 Le délai de prescription, c’est-à-dire le délai de reprise, est le délai pendant lequel l'administration peut contrôler un contribuable et lui notifier un rappel. Il constitue ainsi une limite dans le temps du droit de l'administration à procéder à des rectifications.

Aux termes de l’article L 169 du LPF, pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.

Ainsi, même si le délai de reprise de droit commun est de six ans, (puisque l’article L 186 du LPF dispose que lorsqu'il n'est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou plus long, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt), le délai de reprise pour l’impôt sur le revenu expire à la fin de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. Le délai de reprise est donc de trois ans. L’administration ne peut, en principe, contrôler que les trois dernières années.

Par exemple, si l’administration souhaite contester l’estimation d’un gain perçu en 2020 (imposable au titre de l’impôt sur les revenus de 2020 et déclarés en 2021), elle doit faire parvenir au contribuable sa proposition de rectification avant le 31 décembre 2023.

Au cours de l’année 2021, l’administration pourra contrôler et rectifier le montant des impositions dues au titre des années 2018, 2019 et 2020, à condition que pour 2020, l'administration fiscale ait envoyé l'avis d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle après la date légale de dépôt des déclarations de revenus.

L’alinéa 2 de l’article L 169 du LPF dispose que, par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte ou lorsqu'il est bénéficiaire de revenus distribués par une personne morale exerçant une activité occulte, l'activité occulte étant réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. Les revenus occultes ne concernent pas ceux qui auraient été déclarés dans une mauvaise rubrique.

Le délai de reprise de dix ans en cas activité occulte peut être écarté si le contribuable prouve qu’il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.  Le contribuable peut donc faire échec au délai spécial de reprise de dix ans s'il établit qu'il a commis une erreur. 

Dans l’arrêt CE 21-6-2018 n° 411195, un contribuable a fait l’objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle et d'une vérification de comptabilité de son activité de joueur de poker.

Il a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités y afférentes. Le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

En appel, la cour administrative d'appel de Paris l'a déchargé, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2009 ainsi que de la pénalité pour activité occulte dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2010.

Estimant qu’elle doit pouvoir faire usage du délai de reprise applicable aux activités occultes pour imposer à l'impôt sur le revenu les gains réalisés, au titre de l'année 2009 par le contribuable à raison de son activité de joueur de poker, l’administration se pourvoit en cassation en demandant au Conseil d’Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il a déchargé le contribuable de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009.

Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de l’administration, retenant qu’en jugeant que ce délai n'était pas applicable au motif que le contribuable établissait que l'absence de souscription de déclaration devait être regardée comme une erreur justifiant qu'il ne se soit pas acquitté de ses obligations, dès lors que ce n'est que postérieurement à l'année d'imposition en litige que la jurisprudence et l'administration fiscale ont expressément estimé que de tels gains étaient, dans certaines conditions, imposables à l'impôt sur le revenu, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

En revanche, la justification de l'erreur commise par un contribuable qui fait valoir, pour contester l'application du délai spécial de reprise, qu'il a satisfait à toutes ses obligations fiscales dans un État autre que la France doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et, notamment, du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.

Ainsi, dans l’affaire de l’arrêt CE 9e-10e ch. 27-11-2020 n° 428898, pour juger qu'un contribuable, exploitant à titre individuel une entreprise de droit polonais, ne pouvait pas être regardé comme ayant commis une erreur en déclarant en Pologne les revenus de son activité réalisée en France, la cour a relevé, d'une part, que l'intéressé a exercé depuis 2005 et jusqu'en 2011 une activité d'entrepreneur exclusivement en France, pour laquelle il n'a déposé ni déclaration d'activité ni déclaration fiscale et, d'autre part, qu'il existait une importante différence de niveau d'imposition entre la France et la Pologne.

Et pour ce Conseil d’Etat, en statuant ainsi, la cour, qui n'a pas commis d'erreur de droit en comparant le montant d'impôt sur le revenu acquitté en Pologne par le contribuable et le montant mis à sa charge en France, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

Le délai de reprise est interrompu si l’administration décide de lancer une procédure de rectification. En effet, aux termes de l’article L 189 du LPF, la prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. Ainsi la notification d’un redressement interrompt le délai qui est entièrement reconstitué, c’est-à-dire qu’à à compter du 1er janvier qui suit la notification, l’administration dispose d’un nouveau délai pour procéder aux rectifications de même durée que le délai interrompu (CE 6 décembre 2006).

Par exemple, les revenus de 2018 peuvent donner lieu à une proposition de rectification jusqu’au 31 décembre 2021. Si cette proposition de rectification est notifiée au cours de l’année 2021, elle permet à l’administration d’établir un nouvel acte d’imposition jusqu’au 31 décembre 2024.

Il a été jugé que la prescription est interrompue dès lors que le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable avant l'expiration du délai de reprise. (CE 14 octobre 2015 n° 378503). Il en va d’ailleurs de même lorsque le pli n'a pas pu être remis à l'intéressé lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il ne l'a retiré qu'après l'expiration du délai de reprise ou a négligé de le retirer.

Cependant tel n’est pas le cas, lorsque le contribuable a accompli les diligences nécessaires en cas de changement temporaire d'adresse afin que son courrier lui soit adressé sur son lieu de villégiature, et que ce courrier est remis hors délai.

En effet, le Conseil d’Etat a jugé que le contribuable, à qui il appartient en principe, en cas de déménagement, de faire connaître à l'administration son changement d'adresse, prend néanmoins les précautions nécessaires pour que le courrier lui soit adressé à sa nouvelle adresse, et ne puisse donc lui être régulièrement notifié qu'à celle-ci, lorsqu'il informe La Poste de sa nouvelle adresse en demandant que son courrier y soit réexpédié ; qu'il en est de même lorsque l'intéressé accomplit ces mêmes diligences en cas de changement temporaire d'adresse afin que son courrier lui soit adressé sur son lieu de villégiature. En l’espèce, la notification du redressement avait été adressée, le 20 décembre par pli recommandé avec accusé de réception au domicile du contribuable au Bois Plage en Ré, seule adresse connue de l'administration, puis acheminée le 21 décembre par le service postal à l'adresse d'un hôtel situé à Mayotte, en exécution d'un ordre de réexpédition donné par l'intéressé, le 17 décembre, pour la période du 20 décembre au 4 janvier, et que ce pli était arrivé au bureau de poste de Mamoudzou le 6 janvier. Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel qui en a déduit, après avoir jugé que l'administration avait expédié ce pli en temps utile, que la prescription avait valablement été interrompue. Le Conseil d’Etat a considéré que le pli avait été remis à l'intéressé le 8 janvier, soit après l'expiration du délai de reprise, le contribuable ayant pris les précautions nécessaires pour faire suivre son courrier (CE 07 novembre 2012).

Le délai de prescription peut également faire l’objet de prorogation. C’est par exemple le cas où l’administration est conduite à saisir le juge pénal, après avoir découvert des agissements frauduleux d’un contribuable. Ainsi aux termes de l’article L 187 du LPF, lorsque l'administration, ayant découvert qu'un contribuable se livrait à des agissements frauduleux, a déposé une plainte contre lui, elle peut procéder à des contrôles et à des rehaussements au titre des deux années excédant le délai ordinaire de prescription. Cette prorogation de délai est applicable aux auteurs des agissements, à leurs complices et, le cas échéant, aux personnes pour le compte desquelles la fraude a été commise.

C’est aussi le cas en matière d’assistance administrative internationale lorsque l’administration est amenée à saisir, durant le délai initial de reprise, une autorité étrangère d’une demande d’information dans le cadre de l’assistance administrative internationale, auquel cas, l’administration peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé, conformément aux dispositions de l’article L 188 A du LPF.

Arnaud Soton

Avocat Fiscaliste

Professeur de droit fiscal


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